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Comment: | [fr][tests] Update: Le Horla |
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2018-02-20
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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 | Guy de Maupassant Le Horla (1887) °°°°° Le Horla, P. Ollendorff, 1895 [trente-cinquième édition] (pp. 3-68). °°°°° °°°°°°°°°° 8 mai. – Quelle journée admirable ! J’ai passé toute la matinée étendu sur ^^^^^^ | > | < | 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 | Guy de Maupassant Le Horla (1887) °°°°° Le Horla, P. Ollendorff, 1895 [trente-cinquième édition] (pp. 3-68). °°°°° °°°°°°°°°° 8 mai. – Quelle journée admirable ! J’ai passé toute la matinée étendu sur ^^^^^^ * 64:70 # 6628s / gn_2m_la: Accord de genre erroné : « matinée » est féminin, « étendu » est masculin. > Suggestions : étendue l’herbe, devant ma maison, sous l’énorme platane qui la couvre, l’abrite et l’ombrage tout entière. J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations |
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107 108 109 110 111 112 113 | tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux, m’anéantir. Je dors – longtemps – deux ou trois heures – puis un rêve – non – un cauchemar m’étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors,… je le sens et je le ^^ | > | < | 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 | tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux, m’anéantir. Je dors – longtemps – deux ou trois heures – puis un rêve – non – un cauchemar m’étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors,… je le sens et je le ^^ * 136:138 # 704p / virg_virgule_avant_points_suspension: Typographie : pas de virgule avant les points de suspension. > Suggestions : … sais… et je sens aussi que quelqu’un s’approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre… serre… de toute sa force pour m’étrangler. Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les |
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475 476 477 478 479 480 481 | — Oui, moi, ou plutôt mon mari, qui me charge de les trouver. J’étais tellement stupéfait, que je balbutiais mes réponses. Je me demandais si vraiment elle ne s’était pas moquée de moi avec le docteur Parent, si ce n’était pas là une simple farce préparée d’avance et fort bien jouée. ^^^^^^^^^^^^^^^^^ | > | | 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 | — Oui, moi, ou plutôt mon mari, qui me charge de les trouver. J’étais tellement stupéfait, que je balbutiais mes réponses. Je me demandais si vraiment elle ne s’était pas moquée de moi avec le docteur Parent, si ce n’était pas là une simple farce préparée d’avance et fort bien jouée. ^^^^^^^^^^^^^^^^^ * 185:202 # 3020s / pleo_verbe_à_l_avance: Pléonasme. > Suggestions : préparée Mais, en la regardant avec attention, tous mes doutes se dissipèrent. Elle tremblait d’angoisse, tant cette démarche lui était douloureuse, et je compris qu’elle avait la gorge pleine de sanglots. |
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584 585 586 587 588 589 590 | Puis il la réveilla. Je tirai de ma poche un portefeuille : — Voici, ma chère cousine, ce que vous m’avez demandé ce matin. Elle fut tellement surprise que je n’osai pas insister. J’essayai cependant de ranimer sa mémoire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d’elle, et faillit, à la fin, se fâcher. | | | > > > | 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 | Puis il la réveilla. Je tirai de ma poche un portefeuille : — Voici, ma chère cousine, ce que vous m’avez demandé ce matin. Elle fut tellement surprise que je n’osai pas insister. J’essayai cependant de ranimer sa mémoire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d’elle, et faillit, à la fin, se fâcher. · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Voilà ! je viens de rentrer ; et je n’ai pu déjeuner, tant cette expérience m’a bouleversé. 19 juillet. – Beaucoup de personnes à qui j’ai raconté cette aventure se sont moquées de moi. Je ne sais plus que penser. Le sage dit : Peut-être ? 21 juillet. – J’ai été dîner à Bougival, puis j’ai passé la soirée au bal des ^^^^^^ °°°°°°°° * 16:22 # 9891s / ppas_avoir_été: Tournure familière. Utilisez « être allé » plutôt que « avoir été ». canotiers. Décidément, tout dépend des lieux et des milieux. Croire au surnaturel dans l’île de la Grenouillère, serait le comble de la folie… mais au sommet du mont Saint-Michel ?… mais dans les Indes ? Nous subissons effroyablement l’influence de ce qui nous entoure. Je rentrerai chez moi la semaine prochaine. 30 juillet. – Je suis revenu dans ma maison depuis hier. Tout va bien. |
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810 811 812 813 814 815 816 | s’éteignit, et ma fenêtre se ferma comme si un malfaiteur surpris se fût élancé dans la nuit, en prenant à pleines mains les battants. Donc, il s’était sauvé ; il avait eu peur, peur de moi, lui ! Alors,… alors… demain… ou après,… ou un jour quelconque,… je pourrai donc le ^^ ^^ ^^ | > | > | > | > | | > | > > | | 814 815 816 817 818 819 820 821 822 823 824 825 826 827 828 829 830 831 832 833 834 835 836 837 838 839 840 841 842 843 844 845 846 847 848 849 850 851 852 853 854 855 856 857 858 859 860 861 862 863 864 865 866 867 868 869 870 871 | s’éteignit, et ma fenêtre se ferma comme si un malfaiteur surpris se fût élancé dans la nuit, en prenant à pleines mains les battants. Donc, il s’était sauvé ; il avait eu peur, peur de moi, lui ! Alors,… alors… demain… ou après,… ou un jour quelconque,… je pourrai donc le ^^ ^^ ^^ * 5:7 # 704p / virg_virgule_avant_points_suspension: Typographie : pas de virgule avant les points de suspension. > Suggestions : … * 31:33 # 704p / virg_virgule_avant_points_suspension: Typographie : pas de virgule avant les points de suspension. > Suggestions : … * 55:57 # 704p / virg_virgule_avant_points_suspension: Typographie : pas de virgule avant les points de suspension. > Suggestions : … tenir sous mes poings, et l’écraser contre le sol ! Est-ce que les chiens, quelquefois, ne mordent point et n’étranglent pas leurs maîtres ? 18 août. – J’ai songé toute la journée. Oh ! oui, je vais lui obéir, suivre ses impulsions, accomplir toutes ses volontés, me faire humble, soumis, lâche. Il est le plus fort. Mais une heure viendra… 19 août. – Je sais… je sais… je sais tout ! Je viens de lire ceci dans la Revue du Monde scientifique : « Une nouvelle assez curieuse nous arrive de Rio de Janeiro. Une folie, une épidémie de folie, comparable aux démences contagieuses qui atteignirent les peuples d’Europe au moyen âge, sévit en ce moment dans la ^^^^^^^^^ * 277:286 # 8968s / maj_Moyen_Âge: Le « Moyen Âge ». > Suggestions : Moyen Âge province de San-Paulo. Les habitants éperdus quittent leurs maisons, désertent leurs villages, abandonnent leurs cultures, se disant poursuivis, possédés, gouvernés comme un bétail humain par des êtres invisibles bien que tangibles, des sortes de vampires qui se nourrissent de leur vie, pendant leur sommeil, et qui boivent en outre de l’eau et du lait sans paraître toucher à aucun autre aliment. « M. le professeur Don Pedro Henriquez, accompagné de plusieurs savants °°°°°°°°° médecins, est parti pour la province de San-Paulo, afin d’étudier sur place les origines et les manifestations de cette surprenante folie, et de proposer à l’Empereur les mesures qui lui paraîtront le plus propres à rappeler à la ^^ ^^^^^^^ * 270:272 # 5835s / gn_le_accord2: Accord de nombre erroné : « propres » est au pluriel. > Suggestions : les * 278:285 # 5835s / gn_le_accord2: Accord de nombre erroné : « propres » devrait être au singulier. > Suggestions : propre raison ces populations en délire. » Ah ! Ah ! je me rappelle, je me rappelle le beau trois-mâts brésilien qui passa sous mes fenêtres en remontant la Seine, le 8 mai dernier ! Je le trouvai si joli, si blanc, si gai ! L’Être était dessus, venant de là-bas, où sa race est |
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935 936 937 938 939 940 941 | Mais direz-vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J’en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même exprimer la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. Mais je le vois… il va d’étoile en étoile, les rafraîchissant et les embaumant au souffle harmonieux et léger de sa course !… Et les peuples de là-haut le regardent passer, extasiés et ravis !… | | | 946 947 948 949 950 951 952 953 954 955 956 957 958 959 960 | Mais direz-vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J’en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même exprimer la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. Mais je le vois… il va d’étoile en étoile, les rafraîchissant et les embaumant au souffle harmonieux et léger de sa course !… Et les peuples de là-haut le regardent passer, extasiés et ravis !… · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Qu’ai-je donc ? C’est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces °°°°° folies ! Il est en moi, il devient mon âme ; je le tuerai ! 19 août. – Je le tuerai. Je l’ai vu ! je me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une grande attention. Je savais bien qu’il |
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994 995 996 997 998 999 1000 | alors ?… 21 août. – J’ai fait venir un serrurier de Rouen, et lui ai commandé pour ma chambre des persiennes de fer, comme en ont, à Paris, certains hôtels particuliers, au rez-de-chaussée, par crainte des voleurs. Il me fera, en outre, une porte pareille. Je me suis donné pour un poltron, mais je m’en moque !… | | | 1005 1006 1007 1008 1009 1010 1011 1012 1013 1014 1015 1016 1017 1018 1019 | alors ?… 21 août. – J’ai fait venir un serrurier de Rouen, et lui ai commandé pour ma chambre des persiennes de fer, comme en ont, à Paris, certains hôtels particuliers, au rez-de-chaussée, par crainte des voleurs. Il me fera, en outre, une porte pareille. Je me suis donné pour un poltron, mais je m’en moque !… · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 10 septembre. – Rouen, hôtel continental. C’est fait… c’est fait… mais est-il mort ? J’ai l’âme bouleversée de ce que j’ai vu. Hier donc, le serrurier ayant posé ma persienne et ma porte de fer, j’ai laissé tout ouvert jusqu’à minuit, bien qu’il commençât à faire froid. |
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1024 1025 1026 1027 1028 1029 1030 | bien refermé, à double tour, la grande porte d’entrée. Et j’allai me cacher au fond de mon jardin, dans un massif de lauriers. Comme ce fut long ! comme ce fut long ! Tout était noir, muet, immobile ; pas un souffle d’air, pas une étoile, des montagnes de nuages qu’on ne voyait point, mais qui pesaient sur mon âme si lourds, si lourds. ^^^^^^ | > | < | 1035 1036 1037 1038 1039 1040 1041 1042 1043 1044 1045 1046 1047 1048 1049 1050 | bien refermé, à double tour, la grande porte d’entrée. Et j’allai me cacher au fond de mon jardin, dans un massif de lauriers. Comme ce fut long ! comme ce fut long ! Tout était noir, muet, immobile ; pas un souffle d’air, pas une étoile, des montagnes de nuages qu’on ne voyait point, mais qui pesaient sur mon âme si lourds, si lourds. ^^^^^^ * 264:270 # 6602s / gn_2m_mon_ton_son: Accord de nombre erroné avec « âme » : « lourds » devrait être au singulier. > Suggestions : lourd Je regardais ma maison, et j’attendais. Comme ce fut long ! Je croyais déjà que le feu s’était éteint tout seul, ou qu’il l’avait éteint, Lui, quand une des fenêtres d’en bas creva sous la poussée de l’incendie, et une flamme, une grande flamme rouge et jaune, longue, molle, caressante, monta le long du mur |
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291 292 293 294 295 296 297 | — Votre mari n’a plus besoin de cinq mille francs ! Vous allez donc oublier que vous avez prié votre cousin de vous les prêter, et, s’il vous parle de cela, vous ne comprendrez pas. Puis il la réveilla. Je tirai de ma poche un portefeuille : — Voici, ma chère cousine, ce que vous m’avez demandé ce matin. Elle fut tellement surprise que je n’osai pas insister. J’essayai cependant de ranimer sa mémoire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d’elle, et faillit, à la fin, se fâcher. | | | 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 | — Votre mari n’a plus besoin de cinq mille francs ! Vous allez donc oublier que vous avez prié votre cousin de vous les prêter, et, s’il vous parle de cela, vous ne comprendrez pas. Puis il la réveilla. Je tirai de ma poche un portefeuille : — Voici, ma chère cousine, ce que vous m’avez demandé ce matin. Elle fut tellement surprise que je n’osai pas insister. J’essayai cependant de ranimer sa mémoire, mais elle nia avec force, crut que je me moquais d’elle, et faillit, à la fin, se fâcher. · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Voilà ! je viens de rentrer ; et je n’ai pu déjeuner, tant cette expérience m’a bouleversé. 19 juillet. – Beaucoup de personnes à qui j’ai raconté cette aventure se sont moquées de moi. Je ne sais plus que penser. Le sage dit : Peut-être ? 21 juillet. – J’ai été dîner à Bougival, puis j’ai passé la soirée au bal des canotiers. Décidément, tout dépend des lieux et des milieux. Croire au surnaturel dans l’île de la Grenouillère, serait le comble de la folie… mais au sommet du mont Saint-Michel ?… mais dans les Indes ? Nous subissons effroyablement l’influence de ce qui nous entoure. Je rentrerai chez moi la semaine prochaine. |
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404 405 406 407 408 409 410 | Un être nouveau ! pourquoi pas ? Il devait venir assurément ! pourquoi serions-nous les derniers ! Nous ne le distinguons point, ainsi que tous les autres créés avant nous ? C’est que sa nature est plus parfaite, son corps plus fin et plus fini que le nôtre, que le nôtre si faible, si maladroitement conçu, encombré d’organes toujours fatigués, toujours forcés comme des ressorts trop complexes, que le nôtre, qui vit comme une plante et comme une bête, en se nourrissant péniblement d’air, d’herbe et de viande, machine animale en proie aux maladies, aux déformations, aux putréfactions, poussive, mal réglée, naïve et bizarre, ingénieusement mal faite, œuvre grossière et délicate, ébauche d’être qui pourrait devenir intelligent et superbe. Nous sommes quelques-uns, si peu sur ce monde, depuis l’huître jusqu’à l’homme. Pourquoi pas un de plus, une fois accomplie la période qui sépare les apparitions successives de toutes les espèces diverses ? Pourquoi pas un de plus ? Pourquoi pas aussi d’autres arbres aux fleurs immenses, éclatantes et parfumant des régions entières ? Pourquoi pas d’autres éléments que le feu, l’air, la terre et l’eau ? – Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres ! Quelle pitié ! Pourquoi ne sont-ils pas quarante, quatre cents, quatre mille ! Comme tout est pauvre, mesquin, misérable ! avarement donné, sèchement inventé, lourdement fait ! Ah ! l’éléphant, l’hippopotame, que de grâce ! Le chameau que d’élégance ! Mais direz-vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J’en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même exprimer la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. Mais je le vois… il va d’étoile en étoile, les rafraîchissant et les embaumant au souffle harmonieux et léger de sa course !… Et les peuples de là-haut le regardent passer, extasiés et ravis !… | | | 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 | Un être nouveau ! pourquoi pas ? Il devait venir assurément ! pourquoi serions-nous les derniers ! Nous ne le distinguons point, ainsi que tous les autres créés avant nous ? C’est que sa nature est plus parfaite, son corps plus fin et plus fini que le nôtre, que le nôtre si faible, si maladroitement conçu, encombré d’organes toujours fatigués, toujours forcés comme des ressorts trop complexes, que le nôtre, qui vit comme une plante et comme une bête, en se nourrissant péniblement d’air, d’herbe et de viande, machine animale en proie aux maladies, aux déformations, aux putréfactions, poussive, mal réglée, naïve et bizarre, ingénieusement mal faite, œuvre grossière et délicate, ébauche d’être qui pourrait devenir intelligent et superbe. Nous sommes quelques-uns, si peu sur ce monde, depuis l’huître jusqu’à l’homme. Pourquoi pas un de plus, une fois accomplie la période qui sépare les apparitions successives de toutes les espèces diverses ? Pourquoi pas un de plus ? Pourquoi pas aussi d’autres arbres aux fleurs immenses, éclatantes et parfumant des régions entières ? Pourquoi pas d’autres éléments que le feu, l’air, la terre et l’eau ? – Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres ! Quelle pitié ! Pourquoi ne sont-ils pas quarante, quatre cents, quatre mille ! Comme tout est pauvre, mesquin, misérable ! avarement donné, sèchement inventé, lourdement fait ! Ah ! l’éléphant, l’hippopotame, que de grâce ! Le chameau que d’élégance ! Mais direz-vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J’en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même exprimer la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. Mais je le vois… il va d’étoile en étoile, les rafraîchissant et les embaumant au souffle harmonieux et léger de sa course !… Et les peuples de là-haut le regardent passer, extasiés et ravis !… · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Qu’ai-je donc ? C’est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces folies ! Il est en moi, il devient mon âme ; je le tuerai ! 19 août. – Je le tuerai. Je l’ai vu ! je me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une grande attention. Je savais bien qu’il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir ? Et alors !… alors, j’aurais la force des désespérés ; j’aurais mes mains, mes genoux, ma poitrine, mon front, mes dents pour l’étrangler, l’écraser, le mordre, le déchirer. Et je le guettais avec tous mes organes surexcités. |
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429 430 431 432 433 434 435 | Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant. Je l’avais vu ! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner. 20 août. – Le tuer, comment ? puisque je ne peux l’atteindre ? Le poison ? mais il me verrait le mêler à l’eau ; et nos poisons, d’ailleurs, auraient-ils un effet sur son corps imperceptible ? Non… non… sans aucun doute… Alors ?… alors ?… 21 août. – J’ai fait venir un serrurier de Rouen, et lui ai commandé pour ma chambre des persiennes de fer, comme en ont, à Paris, certains hôtels particuliers, au rez-de-chaussée, par crainte des voleurs. Il me fera, en outre, une porte pareille. Je me suis donné pour un poltron, mais je m’en moque !… | | | 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 | Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant. Je l’avais vu ! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner. 20 août. – Le tuer, comment ? puisque je ne peux l’atteindre ? Le poison ? mais il me verrait le mêler à l’eau ; et nos poisons, d’ailleurs, auraient-ils un effet sur son corps imperceptible ? Non… non… sans aucun doute… Alors ?… alors ?… 21 août. – J’ai fait venir un serrurier de Rouen, et lui ai commandé pour ma chambre des persiennes de fer, comme en ont, à Paris, certains hôtels particuliers, au rez-de-chaussée, par crainte des voleurs. Il me fera, en outre, une porte pareille. Je me suis donné pour un poltron, mais je m’en moque !… · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 10 septembre. – Rouen, hôtel continental. C’est fait… c’est fait… mais est-il mort ? J’ai l’âme bouleversée de ce que j’ai vu. Hier donc, le serrurier ayant posé ma persienne et ma porte de fer, j’ai laissé tout ouvert jusqu’à minuit, bien qu’il commençât à faire froid. Tout à coup, j’ai senti qu’il était là, et une joie, une joie folle m’a saisi. Je me suis levé lentement, et j’ai marché à droite, à gauche, longtemps pour qu’il ne devinât rien ; puis j’ai ôté mes bottines et mis mes savates avec négligence ; puis j’ai fermé ma persienne de fer, et revenant à pas tranquilles vers la porte, j’ai fermé la porte aussi à double tour. Retournant alors vers la fenêtre, je la fixai par un cadenas, dont je mis la clef dans ma poche. |
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